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saire, respectant en lui l’image du fanatisme, de la passion sincère, du travail persévérant. Il démêlait finement, mais avec l’indulgence et la bonté du génie, l’orgueil profond de Robespierre, la religion qu’il avait pour lui-même, pour sa personne et ses paroles. « Il ira loin, disait Mirabeau, car il croit tout ce qu’il dit. »

L’Assemblée, riche en orateurs, avait droit d’être difficile. Habituée à la figure léonine de Mirabeau, à la suffisance audacieuse de Barnave, au chaleureux Cazalès, au lutteur insolent Maury, elle trouvait pénible à voir l’indigente figure de Robespierre, sa raideur, sa timidité. Sa constante tension de muscles et de voix, l’effort monotone de son débit, son air un peu myope, donnaient une impression laborieuse, fatigante ; on s’en tirait en s’en moquant. Pour comble, on ne lui laissait pas la consolation de se voir au moins imprimé. Les journalistes, par négligence ou peut-être sur la recommandation des amis de Robespierre, mutilaient cruellement ses discours les plus travaillés. Ils s’obstinaient à ne pas savoir son nom, l’appelant toujours : Un membre, ou M. N…, ou trois étoiles.

Persécuté ainsi, il n’en saisissait que plus avidement toute occasion d’élever la voix, et cette résolution invariable de parler toujours le rendait parfois vraiment ridicule. Par exemple, quand l’Américain Paul Jones vint féliciter l’Assemblée, le président ayant répondu et tout le monde jugeant la réponse suffisante, Robespierre s’obstina à répondre aussi.