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des seigneurs. Ceux-ci, les Latour-Maubourg, les d’Estournel, les Lameth, etc., tenaient l’administration fixée dans leurs mains comme un bien héréditaire. Administration admirable et rare pour son progrès dans l’absurde. Un des Lameth en fait l’aveu. D’abord tout possesseur de fief avait voix ; puis ils exigèrent une terre à clocher et quatre degrés de noblesse ; puis il leur fallut sept degrés ; la veille de la Révolution, ils ne voulaient plus se contenter à moins de dix degrés de noblesse. Il ne faut pas s’étonner si cette province éminemment rétrograde envoya aux États généraux un rigide partisan des idées nouvelles, si cet homme, ignorant les courbes, ne connaissant que la droite, apporta dans la Révolution une sorte d’esprit géométrique, l’équerre, le compas, le niveau.

Parti d’Arras, il retrouva Arras sur les bancs de l’Assemblée, je veux dire la haine fidèle des prélats pour leur protégé, leur transfuge, le mépris des seigneurs d’Artois pour un avocat, élevé par charité, qui venait siéger près d’eux. Cette malveillance connue ne pouvait manquer d’ajouter à la timidité du débutant, qui était extrême. Il l’avoua à Étienne Dumont : quand il montait à la tribune, il tremblait comme la feuille. Il réussit cependant. Lorsque, en mai 1789, le Clergé vint perfidement prier le Tiers d’avoir pitié du pauvre peuple et de commencer ses travaux, Robespierre répondit avec une aigre véhémence, et, se sentant soutenu par l’approbation de l’Assemblée, il suivit sa passion et fut éloquent.