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(rue de l’Ancienne-Comédie et près du café Procope) reçoit nuit et jour les renseignements anonymes, les accusations qu’on veut y jeter. Elles y entrent ; mais, rassurez-vous, la plupart y restent. La Bouche de fer ne mord pas[1].

Sortons. Dans la crise où nous sommes, il faut veiller, il faut pourvoir. Il y a ici trop de théories, trop de femmes et trop de rêves. L’air n’est pas sain ici pour nous. L’amour, la paix, choses excellentes, sans doute, mais quoi ? La guerre a commencé. Peut-on faire embrasser les hommes, les principes opposés, avant de les concilier ?… Au-dessus du cirque d’ailleurs, pour augmenter mes défiances, je vois planer le Club suspect de 1789, dans ces brillants appartements qui resplendissent de lumières, au premier étage du Palais-Royal, le club de La Fayette, Bailly, Mirabeau, Sieyès, de ceux qui voudraient enrayer avant d’avoir des garanties. De moment en moment, ces idoles populaires paraissent sur le balcon, saluent royalement la foule. Le nerf de ce club opulent est un bon restaurateur.

J’aime mieux, à la jaune lueur des réverbères qui, de loin en loin, percent le brouillard de la rue Saint-Honoré, j’aime mieux suivre le flot noir de la foule qui va toute dans le même sens, jusqu’à cette petite porte du couvent des Jacobins. C’est là que, tous les matins, les ouvriers de l’émeute viennent prendre

  1. Ce journal, parmi son fatras de faux mysticisme et de franc-maçonnerie, contient beaucoup de choses éloquentes et bizarres, il mériterait peut-être d’être réimprimé, comme curiosité historique.