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émulation vers les nobles modèles antiques, vers les héros de Plutarque. S’ils n’entrent pas bien au fond du génie de l’Antiquité, ils en sentent du moins l’austérité morale, la force stoïque, y puisent l’inspiration des dévouements civils ; ils apprennent d’elle ce qu’elle a le mieux su, ce qu’eux-mêmes ils auront besoin, dans leurs périlleuses voies, de savoir, d’embrasser : la mort.

Chose grave à dire aussi : ils puisent là une profonde modification à l’esprit de l’ancienne France.

Cet esprit tenait à deux choses, presque impossible à concilier avec la Révolution, avec la lutte violente qu’elle devait soutenir. D’une part, une certaine facilité de confiance et de croyance, une déférence trop grande pour les autres, une certaine fleur de politesse et de douceur, — charmantes et fatales qualités qui, dans tant d’occasions, ont donné prise sur nous. L’autre caractère du vieil esprit français tenait à ce qu’on appelle l’honneur, à certaines délicatesses de procédés, à certains préjugés aussi, à la facilité, par exemple, avec laquelle on admettait qu’un homme, pour vous avoir insulté, eût droit de vous égorger, opinion qui, en théorie, part de l’estime du courage, et qui, en pratique, livre souvent les braves aux habiles.

Ces deux traits de l’ancienne France furent méprisés des Jacobins.

Adversaires des prêtres, obligés de lutter contre une vaste association dont la confession et la délation sont les premiers moyens, les Jacobins employèrent