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d’hommes alors se rassemblent. Quelques-uns persistent, et, même quand la crise est finie, continuent de se rassembler, de se communiquer leurs craintes, leurs défiances, ils s’inquiètent, s’informent, écrivent aux villes voisines, à Paris. Ceux-ci, ce sont les Jacobins.

La situation néanmoins n’est pas toute dans la formation de ces sociétés. Leur origine tient aussi à une spécialité de caractère. Le Jacobin est une espèce originale et particulière. Beaucoup d’hommes sont nés Jacobins.

Dans l’entraînement général de la France, aux moments de sympathies faciles et crédules, où le peuple sans défiance se jeta dans les bras de ses ennemis, cette classe d’hommes, plus clairvoyante ou moins sympathique, se tient ferme et défiante. On les voit dans les fédérations, paraître aux fêtes, se mêler à la foule, formant plutôt un corps à part, un bataillon de surveillance, qui, dans l’enthousiasme même, témoigne des périls de la situation.

Quelques-uns firent leur fédération à part, entre eux, à huis clos. Citons un exemple.

Je vois dans un acte inédit de Rouen que, le 14 juillet 1790, trois Amis de la constitution (c’est le nom que prenaient alors les Jacobins) se réunissent chez une dame veuve, personne riche et considérable de la ville ; ils prêtent dans ses mains le serment civique. On croit voir Caton et Marcie dans Lucain : Junguntur taciti contentique auspice Bruto… Ils envoient fièrement l’acte de leur fédération à l’As-