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Suisses et voulurent partager leur sort. Tous ensemble ils occupèrent la porte de Stainville, la seule qui fût fortifiée.

Si Bouillé eût voulu épargner le sang, il n’avait qu’une chose à faire : s’arrêter un peu à distance, attendre que les régiments français fussent sortis, puis faire entrer quelques troupes par les autres portes et placer ainsi les Suisses entre deux feux ; il les aurait eus sans combat.

Mais alors où était la gloire ? Où était le coup imposant que la cour et La Fayette avaient attendu de Bouillé ?

Celui-ci raconte lui-même deux choses qui sont contre lui : d’abord qu’il avança jusqu’à trente pas de la porte, c’est-à-dire qu’il mit en face, en contact, des ennemis, des rivaux, des Suisses et des Suisses, qui ne pouvaient manquer de s’injurier, se provoquer, se renvoyer le nom de traîtres. Deuxièmement il quitta la tête de la colonne pour parler à des députés qu’il eût pu fort bien faire venir ; son absence eut l’effet naturel qu’on devait attendre : on s’injuria, on cria, enfin on tira.

Ceux de Nancy disent que tout commença par les hussards de Bouillé ; Bouillé accuse les soldats de Châteauvieux. On a peine à comprendre pourtant comment ceux-ci, en si grand danger, s’avisèrent de provoquer. Ils voulaient tirer le canon ; un jeune officier breton, Désilles, aussi hardi qu’obstiné, s’assoit sur la lumière même ; renversé de là, il embrasse le canon, grave incident qui permettait aux gens