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çais régalèrent les Suisses, et les Suisses les Français, puis les pauvres de la ville.

Ces orgies militaires n’entraînèrent nul désordre grave, si nous en croyons le témoignage des gardes nationaux de Nancy à l’Assemblée. Cependant elles avaient quelque chose d’alarmant. La situation demandait évidemment un prompt remède.

Ni l’Assemblée ni La Fayette ne comprirent ce qu’il y avait à faire.

Ce qu’il eût fallu voir d’abord, c’est que les règles ordinaires n’étaient nullement applicables. L’armée n’était pas une armée. Il y avait là deux peuples en face, deux peuples ennemis, les nobles et les non-nobles. Ces derniers, les non-nobles, les soldats, avaient vaincu par la Révolution ; c’est pour eux qu’elle s’était faite. Croire que les vainqueurs continueraient d’obéir aux vaincus, qui les insultaient d’ailleurs, c’était une chose insensée. Beaucoup d’officiers avaient déjà passé à l’ennemi ; ceux qui restaient avaient différé, décliné le serment civique. Il était réellement douteux que l’armée pût obéir sans péril aux amis de l’ennemi.

Une seule chose était raisonnable, praticable, celle que conseillait Mirabeau : dissoudre l’armée, la recomposer. La guerre n’était pas assez imminente pour qu’on n’eût le temps de faire cette opération. L’obstacle, le grave obstacle, c’est que les puissants de l’époque, Mirabeau lui-même, La Fayette, les Lameth, tous ces révolutionnaires gentilshommes, n’auraient guère nommé officiers que des gentils-