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des officiers, qui ne rendaient aucun compte des caisses des régiments. Ce qui est sûr, c’est que les officiers étaient tout au moins des comptables très négligents, très distraits, ennemis des écritures, nullement calculateurs. Dans les dernières années surtout, dans la langueur universelle de la vieille administration, la comptabilité militaire semble n’avoir plus existé. Pour citer un régiment, M. du Châtelet, colonel du régiment du roi, étant à la fois comptable et inspecteur, ne comptait ni n’inspectait.

« Les soldats, dit M. de Bouillé, formèrent des comités, choisirent des députés, qui réclamèrent auprès de leurs supérieurs, d’abord avec assez de modération, des retenues qui avaient été faites… Leurs réclamations étaient justes, on y fit droit. » Il ajoute qu’alors ils en firent d’injustes et d’exorbitantes. Qu’en sait-il ? Avec une comptabilité tellement irrégulière, qui pouvait faire le calcul ?

Brest et Nancy furent le théâtre principal de cet étrange dispute, où l’officier, le noble, le gentilhomme, était accusé comme escroc.

Les officiers récriminèrent violemment, cruellement. Forts de leur position de chefs et de leur supériorité dans l’escrime, ils n’épargnèrent aucune insolence au soldat, au bourgeois, ami du soldat. Ils ne se battaient pas contre le soldat, mais ils lui lançaient des maîtres d’armes, des spadassins payés, qui, sûrs de leurs coups, le mettaient en demeure ou de se livrer à une mort certaine, ou de reculer, de saigner du nez, de devenir ridicule.