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Camille Desmoulins, parlant en 1794 d’un homme de 1792 : « Un patriote antique dans l’histoire de la Révolution. » — Le même, marié à la fin de 1790, écrit en 1793 : « Des soixante personnes qui vinrent à mon mariage, deux restent, Robespierre et Danton. » Il n’avait pas fini la ligne que des deux il n’en restait qu’un.

Heu ! unam in horam natos !

La tentation du cœur, quand on voit passer si vite ces pauvres éphémères sous le souffle de la mort, serait de les traiter avec une extrême indulgence. Nous ne doutons pas que Dieu n’ait jugé ainsi, qu’il n’ait largement pardonné. L’historien n’est point Dieu, il n’a pas ses pouvoirs illimités ; il ne peut oublier, en écrivant le passé, que l’avenir, toujours copiste, y copiera des exemples. Sa justice se trouve ainsi circonscrite à une mesure moins large que ne conseillait son cœur.

Voici ce que nous pouvions et ce que nous avons fait :

Nous avons rarement donné un jugement total, indistinct, nul portrait proprement dit ; tous, presque tous sont injustes, résultant d’une moyenne qu’on prend en tel et tel moment du personnage, entre le bien et le mal, neutralisant l’un par l’autre et les rendant faux tous deux. Nous avons jugé les actes, à mesure qu’ils se présentent, jour par jour et heure par heure. Nous avons daté nos justices, et ceci nous a permis de louer souvent des hommes que plus tard il faudra blâmer. Le critique oublieux et dur