Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’octobre avait trop profondément blessé sa faible et vive imagination. Mounier, menacé et réellement en péril, quitta en même temps l’Assemblée.

Le départ de ces deux hommes nous fit un mal immense en Europe. Mounier y était considéré comme la raison, la Minerve de la Révolution. Il l’avait devancée en Dauphiné et lui avait servi d’organe dans son acte le plus grave, le serment du Jeu de paume. Et Lally, le bon, le sensible Lally, adopté de tous les cœurs, cher aux femmes, cher aux familles pour la défense d’un père, Lally, l’orateur à la fois royaliste et populaire, qui avait donné l’espoir d’achever la Révolution par le roi, le voilà qui dit au monde qu’elle est perdue sans retour, que la royauté est perdue et la liberté perdue… Le roi est captif de l’Assemblée, l’Assemblée du peuple. Il adopte, ce Français, le mot de l’ennemi de la France, le mot de Pitt : « Les Français auront seulement traversé la liberté. » Dérision sur la France ! L’Angleterre est désormais le seul idéal du monde. La balance des trois pouvoirs, voilà toute la politique. Lally proclame ce dogme, « avec Lycurgue et Blackstone ».

Fond ridicule, belle forme, éloquente, passionnée, langue excellente, de la bonne tradition, abondance et plénitude, un flot du cœur… Et tout cela pour accuser la patrie, la déshonorer, s’il pouvait, tuer sa mère… Oui, le même homme qui consacra une moitié de sa vie à réhabiliter son père, donne le reste a l’œuvre impie, parricide, de tuer sa mère, la France.

Le Mémoire adressé par Lally à ses commettants