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la Révolution, l’était peu à un tel moment. L’impossible d’octobre se trouvait possible en juillet. Par exemple, on avait pu craindre, en octobre 1789, que la masse des électeurs de campagne ne servît l’aristocratie ; cette crainte ne pouvait subsister en juillet 1790 : presque partout le paysan suivait, autant que les populations urbaines, l’élan de la Révolution.

Le prolétariat des villes, qui fait l’énorme obstacle d’aujourd’hui, existait à peine alors, sauf à Paris et quelques grandes villes, où les affamés venaient se concentrer. Il ne faut placer en ce temps, ni voir trente ans avant leur naissance, les millions d’ouvriers nés depuis 1815.

Donc, en réalité, l’obstacle était minime entre la bourgeoisie et le peuple. La première pouvait, devait sans crainte se jeter dans les bras de l’autre.

Cette bourgeoisie, imbue de Voltaire et Rousseau, était plus amie de l’humanité, plus désintéressée et généreuse que celle qu’a faite l’industrialisme, mais elle était timide ; les mœurs, les caractères, formés sous ce déplorable Ancien-Régime, étaient nécessairement faibles. La bourgeoisie trembla devant la Révolution qu’elle avait faite, elle recula devant son œuvre. La peur l’égara, la perdit, bien plus encore que l’intérêt.

Il ne fallait pas sottement se laisser prendre au vertige des foules, ne pas s’effrayer, reculer devant cet océan qu’on avait soulevé. Il fallait s’y plonger. L’illusion d’effroi disparaissait alors. Un océan de