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individus la justice de détail, retrouver à chacun, par une bienveillante équité, ses circonstances atténuantes, et, sur le plus coupable même, en l’amenant. au tribunal, dire encore : « Il fut homme aussi. »

Ces pensées nous ont souvent arrêté, souvent fait rêver bien longtemps. Nous sentions trop ce qui nous manquait pour toucher cette balance en pureté, en sainteté.

Ce que nous pouvons dire au moins, c’est que, digne ou non, nous l’avons touchée d’une main attentive et scrupuleuse[1]. Nous n’avons jamais oublié

  1. Nous n’avons, en cette histoire, nul intérêt que la vérité. Nous ne suivons à l’aveugle nulle passion de parti. La seule réclamation grave, sous ce rapport, qui nous soit parvenue, est celle des familles Foulon et Berthier. Une attaque violente et personnelle d’un membre de la famille Berthier n’a nullement ébranlé notre ferme résolution d’être juste pour tous, amis et ennemis. Le fils et le petit-fils des deux victimes, vieillards aujourd’hui fort âgés, nous ont transmis des Mémoires très étendus. Ils tendent à établir, quant à Foulon : Qu’il ne fut ni traitant ni financier, ne spécula point sur les grains, ne rançonna pas le pays ennemi, ne conseilla point la banqueroute ; qu’il était bienfaisant, et que, dans le rude hiver de 1789, il dépensa 60.000 francs en travaux pour occuper les pauvres ; que sa fortune moins considérable qu’on n’a dit, provenait de son mariage et de ses économies (ceci est établi dans le Mémoire par un calcul fort spécieux). Quant à Berthier, sa famille affirme : Qu’il était fort riche, même avant d’épouser la fille de Foulon ; qu’il était homme de mœurs austères, administrateur actif, ami des réformes et des améliorations ; qu’il en fit ou proposa plusieurs (cadastre et péréquation de l’impôt, dépôts de mendicité, écoles vétérinaires, fermes modèles, comices agricoles, etc.) ; les Berthier occupaient, dès le dix-septième siècle, des places importantes dans la magistrature et l’administration, étaient alliés aux plus grandes familles de robe, etc. — Plusieurs de ces faits peuvent être vérifiés dans nos dépôts publics. La famille le fera sans doute. Quand à la question politique, qui nous importe surtout en ceci, la lecture attentive de ces Mémoires n’a point changé notre opinion, conforme à celle de la majorité des contemporains, et des constitutionnels, Mounier, La Fayette, les Amis de la liberté, le Moniteur, etc. ; et des royalistes même (Beaulieu, II, 10 ; Ferrières, I, 155 ; Choiseul, 220), qui sont peu favorables à Foulon et à son gendre. L’enquête juridique faite alors montre assez que Foulon était le conseiller de la contre-révolution ; que Berthier en