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emplacement, immense, dominé lui-même par le cirque plus éloigné que forment Montmartre, Saint-Cloud, Meudon, Sèvres ; un tel lieu semblait attendre les États généraux du monde.

Avec tout cela il pleut. Longue est l’attente. Les fédérés, les gardes nationaux parisiens, réunis depuis cinq heures le long des boulevards, sont trempés, mourants de faim, gais pourtant. On leur descend des pains avec une corde, des jambons et des bouteilles, des fenêtres de la rue Saint-Martin, de la rue Saint-Honoré.

Ils arrivent, passent la rivière sur un pont de bois construit devant Chaillot, entrent par un arc de triomphe. Au milieu du Champ de Mars s’élevait l’autel de la patrie ; devant l’École militaire, les gradins où devaient s’asseoir le roi, l’Assemblée.

Tout cela fut long encore. Les premiers qui arrivèrent, pour faire bon cœur contre la pluie et dépit au mauvais temps, se mirent bravement à danser. Leurs joyeuses farandoles, se déroulant en pleine boue, s’étendent, vont s’ajoutant sans cesse de nouveaux anneaux dont chacun est une province, un département ou plusieurs pays mêlés. La Bretagne danse avec la Bourgogne, la Flandre avec les Pyrénées… Nous les avons vus commencer, ces groupes, ces danses ondoyantes, dès l’hiver de 1789. La farandole immense qui s’est formée peu à peu de la France tout entière, elle s’achève au Champ de Mars, elle expire… Voilà l’unité !

Adieu l’époque d’attente, d’aspiration, de désir, où