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dans ces fêtes. On mit parfois sur l’autel un petit enfant que tous adoptaient, qui, doté des dons, des vœux, des larmes de tous, devenait à tous le leur.

La France est l’enfant sur l’autel, et toute la terre alentour. Enfant commun des nations, en elle toutes se sentent unies, toutes s’associent de cœur à ses destinées futures, l’environnent d’inquiètes pensées, et de crainte et d’espérance… Il n’y en a pas une entre elles qui la voie sans pleurer.

Comme l’Italie pleurait ! et la Pologne ! et l’Irlande ! (Ah ! sœurs, rappelez-vous ce jour) !… Toute nation opprimée, oubliant son esclavage au spectacle de cette jeune liberté, lui disait : « Je suis libre en toi[1] ! »

L’Allemagne, devant ce miracle, fut profondément absorbée, entre le rêve et l’extase. Klopstock était en prières. L’auteur de Faust ne pouvait plus soutenir le rôle de l’ironie sceptique, il se surprenait lui-même près de tomber dans la foi.

Au fond des mers du Nord, il y avait alors une bizarre et puissante créature, un homme ? Non, un système, une scolastique vivante, hérissée, dure, un roc, un écueil taillé à pointes de diamant dans le granit de la Baltique. Toute religion, toute philosophie, avait touché là, s’était brisée là. Et lui, immuable. Nulle prise au monde extérieur. On l’ap-

  1. Ces sentiments se retrouvent dans une foule d’adresses, vraiment pathétiques, d’hommes de toute nation, spécialement dans l’adresse des volontaires de Belfast.