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génie de la contrée, leur fit souvent choisir pour théâtre de ces fêtes les lieux mêmes qu’avaient préférés nos vieux Gaulois, les druides. Les îles, sacrées pour les aïeux, le redevinrent pour les fils. Dans le Gard, dans la Charente et ailleurs, l’autel fut dressé dans une île. Celle d’Angoulême reçut les représentants de soixante mille hommes, et il y en avait peut-être autant sur l’admirable amphithéâtre qui porte la ville, au-dessus du fleuve. Le soir, un banquet dans l’île aux lumières, et tout un peuple pour convive, un peuple pour spectateur, du plus haut au plus bas du gigantesque colisée.

À Maubec (Isère), où se réunirent beaucoup de communes rurales, l’autel fut érigé au milieu d’un plateau immense, en face d’un ancien monastère ; lointain superbe, horizon infini, et le souvenir de Rousseau, qui y vécut quelque temps !… Dans un discours brûlant d’enthousiasme, un prêtre exalta le glorieux souvenir du philosophe qui, dans ce lieu même, rêvait, préparait le grand jour… Il finit par montrer le ciel, il attesta le soleil, qui perça la nue à l’instant, comme pour jouir, lui aussi, de cette vue touchante et sublime.

Nous, croyants de l’avenir, qui mettons la foi dans l’espoir et regardons vers l’aurore, nous que le passé défiguré, dépravé, chaque jour plus impossible, a bannis de tous les temples, nous qui, par son monopole, sommes privés de temple et d’autel, qui souvent nous attristons dans l’isolement de nos