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part aux fêtes de la fédération. Dans je ne sais quel village, les hommes s’étaient réunis seuls dans un vaste bâtiment pour faire ensemble une adresse à l’Assemblée nationale. Elles approchent, elles écoutent, elles entrent, les larmes aux yeux, elles veulent en être aussi. Alors on leur relit l’adresse ; elles s’y joignent de tout leur cœur. Cette profonde union de la famille et de la patrie pénétra toutes les âmes d’un sentiment inconnu. La fête, toute fortuite, n’en fut que plus touchante… Elle fut courte, comme tous nos bonheurs, elle ne dura qu’un jour. Le récit finit par un mot naïf de mélancolie et de retour sur soi-même : « C’est ainsi que s’est écoulé le plus bel instant de notre vie. »

C’est qu’il faut travailler demain et se lever de bonne heure, c’est le temps de la moisson. Les fédérés d’Étoile, près Valence, s’expriment à peu près en ces termes après avoir conté les feux de joie, les farandoles : « Nous qui, au 29 novembre 1789, donnâmes à la France l’exemple de la première fédération, nous n’avons pu donner à cette fête qu’un jour, et nous sommes retirés le soir pour nous reposer et reprendre nos travaux demain ; les travaux de la campagne pressent, nous le regrettons… » Bons laboureurs, ils écrivent tout cela à l’Assemblée nationale, convaincus qu’elle s’occupe d’eux, que, comme Dieu, elle voit et fait tout.

Ces procès-verbaux de communes rurales sont autant de fleurs sauvages qui semblent avoir poussé du sein des moissons. On y respire les fortes et