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entendre les derniers mots de la Fiancée de Corinthe : « Nous nous en irons dans la tombe rejoindre nos anciens dieux. »

Il y avait trois de ces hommes à la Constituante. Aucun n’avait de génie, aucun n’était orateur, et ils n’en exercèrent pas moins une grande influence, trop grande certainement. Héroïques, désintéressés, sincères, excellents citoyens, ils contribuèrent plus que personne à relancer la Révolution dans les vieilles voies impossibles ; autant qu’il était en eux, ils la firent réformatrice, l’empêchèrent d’être fondatrice, d’innover et de créer.

Que fallait-il faire en 1790, en 1800 ? il fallait au moins attendre, faire appel aux forces vives de l’esprit humain.

Ces forces sont éternelles, en elles est la source intarissable de la vie philosophique et religieuse. Point d’époque désespérée ; la pire des siècles modernes, celle de la Guerre de Trente-Ans, n’en a pas moins produit Descartes, le rénovateur de la pensée européenne. Il fallait appeler la vie et non organiser la mort.

Les trois hommes qui poussèrent l’Assemblée à cette grande faute s’appelaient Camus, Grégoire et Lanjuinais.

Trois hommes, trois têtes de fer. Ceux qui virent Camus mettant la main sur Dumouriez au milieu de son armée, ceux qui virent, le 31 mai, Lanjuinais précipité de la tribune, remontant, s’y accrochant entre les poignards et les pistolets, savent que peu d’hommes furent braves à côté de ces deux braves.