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chevaux et leurs maîtresses que les prélats imposèrent aux prêtres la loi du martyre. Tel qui voulait garder huit cent mille livres de rentes fit honte au curé de campagne des douze cents francs de traitement qu’il acceptait de l’Assemblée.

Le clergé inférieur se trouva ainsi tout d’abord, et pour une question d’argent, mis en demeure de choisir. Les évêques ne lui donnèrent pas un moment pour réfléchir, lui déclarèrent que, s’il était pour la nation, il était contre l’Église — hors de l’unité catholique, hors de la communion des évêques et du Saint-Siège, membre pourri, rejeté, renégat et apostat.

Qu’allaient faire ces pauvres prêtres ? Sortir du système antique, où tant de siècles ils avaient vécu, devenir tout à coup rebelles à cette autorité imposante qu’ils avaient toujours respectée, quitter le monde connu, et pour passer dans quel monde ? Dans quel système nouveau ?… Il faut une idée, une foi dans cette idée, pour laisser ainsi le rivage, s’embarquer dans l’avenir.

Un curé vraiment patriote, celui de Saint-Étienne-du-Mont, qui, le 14 juillet, marchait sous le drapeau du peuple à la tête de son district, fut accablé, effrayé de la cruelle alternative où le plaçaient les évêques. Il resta quarante jours, avec un cilice, à genoux devant l’autel. Il eût pu y rester toujours, qu’il n’eût pas trouvé de réponse à l’insoluble question qu’il s’était posée.

Ce que la Révolution avait d’idées, elle le tenait du dix-huitième siècle, de Voltaire, de Rousseau.