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prairie du Gard, une sorte d’île entre un canal et le fleuve, à l’abri de toute surprise. Des milliers d’hommes s’y rendirent, et, ce qui fut plus rassurant, c’est que les protestants virent grand nombre de catholiques mêlés à eux, sous le drapeau. Les paisibles ruines romaines qui dominent le paysage rappelaient des souvenirs meilleurs ; elles semblaient avoir survécu pour voir passer et mépriser ces misérables querelles, pour promettre un âge plus grand.

Les deux partis étaient en face, très près d’agir ; Nîmes, Toulouse, Montauban, regardaient Paris, attendaient. Rapprochez les dates. Le 13 avril, à l’Assemblée, on tire d’elle l’étincelle pour allumer le Midi, son refus de déclarer le catholicisme religion dominante ; le 19, le clergé proteste. Dès le 18, Toulouse proteste à coups de fusil ; on y joue dans une église la scène du buste du roi ; les patriotes crient : « Vive le roi ! vive la loi ! » et des soldats tirent sur eux.

Le 20, à Nîmes, grande et solennelle déclaration catholique, signée de trois mille électeurs, fortifiée de l’adhésion de quinze cents personnes distinguées, déclaration envoyée à toutes les municipalités du royaume, suivie, copiée de Montauban, Albi, Alais, Uzès, etc. La pièce, délibérée aux Pénitents blancs, est écrite par les commis de Froment, et la foule va signer chez lui. Elle équivalait à un acte d’accusation de l’Assemblée nationale ; on lui signifiait qu’elle eût à rendre le pouvoir au roi, à donner à la religion catholique le monopole du culte.