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au beau moment du sermon pour demander secours au bon peuple de Toulouse.

Tout cela était trop clair. Cela voulait dire : du sang. Les protestants le comprirent.

Isolés au milieu d’un grand peuple catholique, ils se voyaient un petit troupeau, marqué pour la boucherie. Les terribles souvenirs conservés dans chaque famille leur revenaient dans leurs nuits, les éveillaient en sursaut. Ces paniques étaient bizarres ; la peur des brigands, qui courait dans les campagnes, se mêlait souvent dans leurs imaginations avec celle des assassins catholiques ; étaient-ils en 1790 ou en 1572 ? Ils n’auraient pas su le dire. À Saint Jean-de-la-Gardonnenque, petite ville de marchands, des courriers entrent le matin, criant : « Garde à vous ! les voilà ! » Le tocsin sonne, on court aux armes, la femme se pend au mari pour l’empêcher de sortir, on ferme, on se met en défense, des pavés sur les fenêtres… Mais voilà que la ville en effet est envahie… par les amis, les protestants des campagnes, qui venaient à marches forcées. On distinguait parmi eux une belle fille entre ses deux frères, armée, portant le fusil. Ce fut l’héroïne du jour, on la couronna de lauriers ; tous ces marchands rassurés se cotisèrent entre eux pour leur aimable sauveur, et elle emporta sa dot aux montagnes dans son tablier.

Rien ne pouvait les rassurer qu’une association permanente entre les communes, une fédération armée. Ils la firent vers la fin de mars dans une