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de manufactures, race malsaine et chétive, misérable, sujette, comme l’ouvrier l’est partout, à des chômages fréquents.

Les catholiques ne chômaient pas, travaillant pour la plupart à la terre ; le climat fort doux permet ce travail en toutes saisons. Beaucoup avaient un peu de terre et cultivaient en même temps pour le Clergé, la Noblesse, les gros bourgeois catholiques, qui avaient toute la banlieue.

Les protestants des villes, instruits, modérés, sérieux, clos, dans la vie sédentaire, voués à leurs souvenirs, ayant dans chaque famille de quoi pleurer et peut-être craindre, étaient une population infiniment peu aventureuse et très dure à l’espérance. Quand ils virent poindre ce beau jour de la liberté, à la veille de la Révolution, ils osèrent à peine espérer. Ils laissèrent les parlements, la Noblesse, s’avancer hardiment, parler en faveur des idées nouvelles ; généralement ils se turent. Ils savaient parfaitement que, pour entraver la Révolution, il eût suffi qu’on les vît exprimer des vœux pour elle.

Elle éclate. Les catholiques, disons-le à leur honneur, la grande masse des catholiques, furent ravis de voir les protestants devenir enfin leurs égaux. L’unanimité fut touchante, et l’une des plus dignes choses d’arrêter sur la terre le regard de Dieu. Dans bien des lieux, les catholiques allèrent, au temple des protestants, s’unir à eux pour rendre grâces ensemble à la Providence. D’autre part, les protestants assistaient au Te Deum catholique. Par-dessus