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reine plus volontiers que d’un roi, le ministre ou bien l’amant ?

La reine était alors, avec le roi, à Saint-Cloud. Entourés par la garde nationale, généralement bienveillante, ils s’y trouvaient dans une demi-captivité, assez libre, puisque tous les jours ils allaient se promener sans gardes, et souvent à quelques lieues. Il y avait cependant beaucoup de bonnes gens, de bons cœurs, qui ne pouvaient supporter l’idée d’un roi, d’une reine prisonniers de leurs sujets. Un jour, dans l’après-midi, la reine entend un petit bruit dans la cour solitaire de Saint-Cloud, elle lève le rideau et voit sous son balcon environ cinquante personnes, femmes de campagne, prêtres, vieux chevaliers de Saint-Louis, qui pleuraient à demi voix et retenaient leurs sanglots.

Mirabeau ne pouvait être à l’épreuve de pareilles impressions. Resté, malgré tous ses vices, homme d’ardente imagination, de passion orageuse, il trouvait quelque bonheur à se sentir l’appui, le défenseur, le libérateur peut-être d’une belle reine prisonnière. Le mystère de l’entrevue ajoutait à l’émotion. Il vint, non pas en voiture, mais à cheval, pour ne pas attirer l’attention. Il fut reçu non au château, mais dans un lieu très solitaire, au point le plus élevé du parc réservé, dans un kiosque qui couronne ce jardin d’Armide… C’était à la fin de mai.

Mirabeau était alors très visiblement atteint du mal qui le mit au tombeau ; je ne parle pas de ses excès, de ses prodigieuses fatigues. Non, Mirabeau ne mou-