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dans la rue Saint-Honoré, attendant avec une inexprimable anxiété, recueillant avidement les billets qu’on leur jetait des fenêtres de l’Assemblée, pour leur faire suivre de moment en moment le progrès de la discussion. Tous étaient indignés, exaspérés contre Mirabeau. À l’entrée, à la sortie, l’un lui montrait une corde, et l’autre des pistolets.

Il fit preuve de sang-froid. Dans un moment même où Barnave occupait la tribune de ses longs discours, croyant avoir saisi le point où il le terrasserait, Mirabeau n’en écouta pas davantage, il alla se promener aux Tuileries, au milieu de cette foule, fit sa cour à la jeune et ardente Mme de Staël, qui était là aussi à attendre avec le peuple.

Son courage n’en rendait pas sa cause meilleure. Il triomphait de dire sur la question théorique, sur l’association naturelle (dans ce grand acte de la guerre) entre la pensée et la force, entre l’Assemblée et le roi. Toute cette métaphysique ne pouvait masquer la situation.

Ses ennemis employèrent un moyen peu parlementaire qui touchait de près à l’assassinat, pouvait le faire mettre en pièces. Ils firent écrire, imprimer la nuit, répandre un libelle atroce. Le matin, allant à l’Assemblée, Mirabeau entendit crier partout : « La grande trahison découverte du comte de Mirabeau. » Le péril, comme il lui arrivait toujours, l’inspira admirablement, il écrasa ses ennemis : « Je savais bien qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne », etc.