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blés en permanence, n’agissant pas, près d’agir. Il écoute, il s’inquiète ; vous diriez la sentinelle à deux pas de l’ennemi. Le cri : « Prenez garde à vous ! » s’entend à chaque heure. Deux voix le poussent sans cesse, du club des Cordeliers, du club des Jacobins. J’y pénètre au prochain livre, dans ces antres redoutables ; ici, je m’abstiens d’y entrer. Les Jacobins ne sont pas caractérisés encore, ils sont à leur premier âge, âge bâtard, constitutionnel, où règnent chez eux les Duport et les Lameth.

Le caractère principal de ces grands laboratoires d’agitation, de surveillance publique, de ces puissantes machines (je parle surtout des Jacobins), c’est que, comme en toutes machines, l’action collective y dominait de beaucoup l’action individuelle, que l’individu le plus fort, le plus héroïque, y perdait ses avantages. Dans les sociétés de ce genre, la médiocrité active monte à l’importance, le génie pèse très peu. Aussi Mirabeau n’allait jamais volontiers aux clubs, il n’appartenait exclusivement à aucun, y faisait de courtes visites, passait une heure aux Jacobins, une heure dans la même soirée au club de 1789 qu’avaient formé au Palais-Royal Sieyès, Bailly, La Fayette, Chapelier et Talleyrand (13 mai).

Club élégant, magnifique, nul d’action. La vraie force était au vieux couvent enfumé des Jacobins. La domination d’intrigue, de parlage facile et vulgaire qu’y exerçait souverainement le triumvirat de Duport, Barnave et Lameth, ne contribua pas peu à rendre Mirabeau accessible aux suggestions de la cour.