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cédant aux exigences de l’Assemblée, lui livra le fameux Livre rouge (dont nous parlerons tout à l’heure) et l’honneur de tant de gens ; tous les pensionnaires secrets virent leurs noms chantés par les rues. Qui pouvait assurer Mirabeau que la cour ne jugerait pas utile, dans quelque temps, de publier aussi son traité ?… La négociation n’était pas fort rassurante ; on avançait, on reculait ; on ne lui confiait rien du tout et on lui demandait ses secrets : la pensée de son parti.

On ne jouait pas ainsi avec un tel homme. Il fallait l’avoir pour ami ou pour ennemi, le combattre à mort ou se jeter dans ses bras. Quelles que fussent, au fond, ses tendances royalistes, il était impossible d’aveugler entièrement un homme de tant d’esprit. Il allait, en attendant ; organe de la Révolution, il ne lui manquait jamais dans les moments décisifs ; on aurait pu le gagner, on ne pouvait l’amortir, l’énerver, le neutraliser. Quand la situation parlait, à l’instant le Mirabeau vicieux, corrompu, disparaissait, le dieu entrait en lui, la patrie agissait par lui et lançait la foudre…

Dans un seul mois (avril) où la cour traînait, marchandait, finassait, la foudre frappa deux fois.

La première (que nous remettons au chapitre suivant pour réunir toute l’affaire du Clergé), c’est la fameuse apostrophe sur Charles IX et la Saint-Barthélemy, qui est dans toutes les mémoires : « Je vois d’ici la fenêtre », etc. Jamais les prêtres n’avaient reçu sur la tête un coup si pesant ! (13 avril.)