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peu à peu ils laissaient tomber le masque. Léopold disait aux Anglais : « Vous plaît-il que je sois forcé de céder à la France une partie des Pays-Bas ? » et l’Angleterre reculait ; elle sacrifiait, devant cette peur, l’espoir de s’emparer d’Ostende. Aux Prussiens, aux Allemands en général, il disait : « Pouvons-nous délaisser nos princes allemands possessionnés en Alsace, qui perdent leurs droits féodaux ? » La Prusse elle-même, le 16 février, avait déjà parlé pour eux, proclamé le droit de l’Empire de demander raison à la France.

L’Europe entière des deux parts, d’une part Autriche et Russie, d’autre part Angleterre et Prusse, gravitait peu à peu vers une même pensée, la haine de la Révolution. Seulement il y avait cette différence que la libérale Angleterre, la philosophique Prusse, avaient besoin d’un peu de temps pour passer d’un pôle à l’autre, pour se décider à se démentir, s’abjurer, se renier, avouer ce qu’elles étaient, les ennemies de la liberté. Ce respectable combat de la honte et de la pudeur devait être ménagé par l’Autriche. Donc, à attendre, il y avait infiniment à gagner. Encore un moment, tout le monde des honnêtes gens allait se trouver d’accord. Seule alors, que ferait la France ?… De quel poids énorme allait peser contre elle tout à l’heure l’Autriche, assistée de l’Europe ?

Rien n’empêchait, en attendant, de donner aux révolutionnaires de France et de Belgique de bonnes paroles, de les endormir, si l’on pouvait, de les diviser.