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eux-mêmes, qui font le mal, le révèlent, le déplorent. Dans les mémoires qu’on leur demande pour le jeune duc de Bourgogne, ils déclarent que tel pays a perdu le quart de ses habitants, tel le tiers, tel la moitié. Et la population ne se répare pas ; le paysan est si misérable que ses enfants sont tous faibles, malades, ils ne peuvent vivre.

Suivons bien le cours des années. Cette époque déplorable de 1698 devient un objet de regret. Alors, nous dit un magistrat, Boisguillebert, alors « il y avait encore de l’huile dans la lampe. Aujourd’hui (1707), tout a pris fin, faute de matière… » Mot lugubre, et il ajoute un mot menaçant, on se croirait déjà en 1789 : « Le procès va rouler maintenant entre ceux qui payent et ceux qui n’ont de fonction que recevoir. »

Le précepteur du petit-fils de Louis XIV, l’archevêque de Cambrai, n’est pas moins révolutionnaire que le petit juge normand : « Les peuples ne vivent plus en hommes, il n’est plus permis de compter sur leur patience. La vieille machine achèvera de se briser au premier choc… On n’oserait envisager le bout de ses forces, auquel on touche ; tout se réduit à fermer les yeux et à ouvrir la main, pour prendre toujours… »

Louis XIV meurt enfin, on remercie Dieu. Voici heureusement le Régent, ce bon duc d’Orléans, qui, si Fénelon vivait, le prendrait pour conseiller ; il imprime le Télémaque ; la France sera une Salente. Plus de guerre. Nous sommes maintenant les amis