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Puis arrivent les esprits faux, les théoriciens ineptes, pour baptiser le pieux assassinat du nom de justice du peuple, pour canoniser le crime élaboré par les tyrans, au nom de la Liberté.

C’est ainsi qu’en un même jour on trouva moyen d’égorger d’un coup tout ce qui honorait la France, le premier philosophe du temps, le premier sculpteur et le premier musicien, Ramus, Jean Goujon, Goudimel. Combien plus eût-on égorgé notre grand jurisconsulte, l’ennemi de Rome et des Jésuites, le génie du Droit, Dumoulin !…

Heureusement il était à l’abri ; il leur avait sauvé un crime, réfugié sa noble vie en Dieu… Mais auparavant il avait vu l’émeute organisée quatre fois par le clergé contre lui et sa maison. Cette sainte maison d’étude quatre fois forcée, pillée, ses livres profanés, dispersés, ses manuscrits irréparables, patrimoine du genre humain, traînés au ruisseau, détruits… Ils n’ont pas détruit la Justice ; le vivant esprit, enfermé dans ces livres, s’émancipa par la flamme, s’épandit et remplit tout ; il pénétra l’atmosphère, en sorte que, grâce aux fureurs meurtrières du fanatisme, on ne put respirer d’air que celui de l’équité.


V


Quand il y avait eu au Colisée de Rome grande fête, grand carnage, quand le sable avait bu le sang, que les lions se couchaient repus, saouls de chair humaine,