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Ces croyances, qu’on désignait à la haine du peuple comme celles de l’aristocratie, étaient sorties du peuple même. Et qui ne sait que Calvin fut le fils d’un tonnelier ?

Il me serait trop facile de montrer comment tout ceci a été embrouillé de nos jours par les écrivains valets du clergé, puis copié légèrement. J’ai voulu seulement montrer par un exemple la féroce adresse avec laquelle le clergé poussa le peuple et se fit une arme mortelle de la jalousie sociale. Le détail serait curieux ; je regrette de l’ajourner. Il faudrait dire comment, pour perdre un homme, une classe d’hommes, la calomnie, élaborée par une presse spéciale, lentement manipulée aux écoles, aux séminaires, surtout aux parloirs des couvents, directement confiée (pour être répandue plus vite) aux pénitentes, aux marchands attitrés des curés et des chanoines, s’en allait grondant dans le peuple ; comment elle s’exaltait dans les mangeries, buveries, qu’on appelait confréries, à qui on livrait, entre autres choses, les grands biens des hôpitaux… Détails bas, mesquins, misérables, mais sans lesquels on ne comprendrait jamais les grandes exécutions de la démagogie catholique.

Parfois, s’il fallait perdre un homme en renom, on ajoutait à ces moyens un art supérieur. On trouvait, par argent, par crainte, quelque écrivain de talent qu’on lançait sur lui. Ainsi le confesseur du roi, pour parvenir à brûler Vallée, fit écrire contre lui Ronsard. Ainsi, pour perdre Théophile, le confes-