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clergé, du jour où l’Église vit le roi incertain et tenté de cette proie, elle se tourna vivement, violemment vers le peuple, employant tous les moyens de prédication, d’aumône, d’influence diverse, son immense clientèle, ses couvents, ses marchands, ses mendiants, à organiser le meurtre.

« Affaire populaire, » dites-vous. C’est vrai. Mais dites donc aussi par quelle ruse diabolique, quelle persévérance infernale, vous avez travaillé dix ans à pervertir le sens du peuple, le troubler, le rendre fol.

Esprit de ruse et de meurtre, j’ai vécu trop de siècles en face de toi, pendant tout le Moyen-âge, pour que tu m’abuses. Après avoir nié si longtemps la Justice et la Liberté, tu pris leur nom pour cri de guerre. En leur nom, tu as exploité une riche mine de haine, l’éternelle tristesse que l’inégalité met au cœur de l’homme, l’envie du pauvre pour le riche… Tu as, sans hésitation, toi, tyran, toi, propriétaire, et le plus absorbant du monde, embrassé tout à coup et passé d’un bond les plus impraticables théories des niveleurs.

Avant la Saint-Barthélemy, le clergé disait au peuple, pour l’animer au massacre : « Les protestants sont des nobles, des gentilshommes de province. » Cela était vrai ; le clergé ayant déjà exterminé, comprimé le protestantisme des villes. Les châteaux seuls, étant fermés, pouvaient être encore protestants. Mais voyez leurs premiers martyrs ; c’étaient des hommes des villes, petits marchands, ouvriers.