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Une lutte commence alors, terrible, effroyable, pour laquelle manque toute parole… La théologie, jetant le masque doucereux de la Grâce, s’abdiquant, se reniant, pour anéantir la Justice, s’efforçant de l’absorber, de la perdre en elle-même, de la plonger dans ses entrailles… Les voilà toutes deux en face ; laquelle, à la fin de cette mortelle bataille, se trouve avoir absorbé l’autre, incorporé, assimilé ?

Que la terreur révolutionnaire se garde bien de se comparer à l’Inquisition. Qu’elle ne se vante jamais d’avoir, dans ses deux ou trois ans, rendu au vieux système ce qu’il nous fit six cents ans !… Combien l’Inquisition aurait droit de rire !… Qu’est-ce que c’est que les seize mille guillotinés de l’une devant ces millions d’hommes égorgés, pendus, rompus, ce pyramidal bûcher, ces masses de chairs brûlées, que l’autre a montées jusqu’au ciel ? La seule inquisition d’une des provinces d’Espagne établit, dans un monument authentique, qu’en seize années elle brûla vingt mille hommes… Mais pourquoi parler de l’Espagne, plutôt que des Albigeois, plutôt que des Vaudois des Alpes, plutôt que des Bégards de Flandre, que des protestants de France, plutôt que de l’épouvantable croisade des Hussites, et de tant de peuples que le pape livrait à l’épée ?

L’histoire dira que, dans un moment féroce, implacable, la Révolution craignit d’aggraver la mort, qu’elle adoucit les supplices, éloigna la main