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faut le dire, qui ranima, rafraîchit le patient dans son long supplice. Cette étonnante douceur d’âme qu’il y conservait lui porta bonheur ; de ce cœur percé, mais si bon ! s’échappa une vive source d’aimable et tendre fantaisie, un flot de religion populaire contre la sécheresse de l’autre. Arrosée de ces eaux fécondes, la légende fleurit et monta, elle ombragea l’infortuné de ses compatissantes fleurs… Fleurs du sol natal, fleurs de la patrie, qui couvrirent quelque peu et firent oublier parfois l’aride métaphysique byzantine et la théologie de la mort.

La mort pourtant fut sous ces fleurs. Le patron, le bon saint du lieu, ne suffisait pas à défendre son protégé contre un dogme d’épouvante. Le Diable attendait à peine que l’homme expirât pour le prendre. Il l’environnait vivant. Il était seigneur de ce monde ; l’homme était sa chose et son fief. Il n’y paraissait que trop à l’ordre social du temps. Quelle tentation constante de désespoir et de doute !… Que le servage d’ici-bas, avec toutes ses misères, fût le commencement, l’avant-goût de la damnation éternelle ! D’abord une vie de douleur, puis, pour consolation, l’enfer !… Damnés d’avance !… Pourquoi alors ces comédies du Jugement qu’on joue aux parvis des églises ? N’y a-t-il pas barbarie à tenir dans l’incertitude, dans l’anxiété affreuse, toujours suspendu sur l’abîme, celui qui, avant de naître, est adjugé à l’abîme, lui est dû, lui appartient ?

Avant de naître !… L’enfant, l’innocent, créé