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Ils n’ont ni vertu ni force. On a été obligé de les laisser de côté ; on les a fait rentrer dans l’oubli et le silence. Il faut voir le système en lui, dans sa pureté terrible, qui a fait toute sa force, il faut le suivre dans son règne du Moyen-âge, le voir partir surtout à l’époque où, fixé enfin, complet, armé, inflexible, il prend possession du monde.

Sombre doctrine, qui, dans la destruction de l’empire romain, lorsque l’ordre civil périt et que la Justice humaine est comme effacée, ferme le recours du tribunal suprême, et, pour mille ans, voile la face de la Justice éternelle.

L’iniquité de la conquête, confirmée par arrêt de Dieu, s’autorise et se croit juste. Les vainqueurs sont les élus, les vaincus les réprouvés. Damnation sans appel. De longs siècles peuvent se passer, la conquête s’oublier. Mais le ciel, vide de Justice, n’en pèsera pas moins sur la terre, la formant à son image. L’arbitraire, qui fait le fond de cette théologie, se retrouvera partout, avec une fidélité désespérante, dans les institutions politiques, dans celles même où l’homme avait cru bâtir un asile

    vieille dispute de la Grâce et de la Justice (c’est-à-dire la question de savoir si le Christianisme est juste) est tout à fait surannée. »

    Cette politique double a deux effets et tous deux funestes. Elle pèse sur la femme, sur l’enfant, sur la famille où elle crée la discorde, maintenant en opposition deux autorités contraires, deux pères de famille.

    Elle pèse sur le monde par une force négative, qui fait peu, mais qui entrave, par la facilité surtout de montrer l’une ou l’autre face, aux uns la moralité élastique de l’Évangile, aux autres l’immuable fatalité, parée du nom de la Grâce. De là bien des malentendus. De là la tentation pour plusieurs de rattacher la foi moderne, celle de la Révolution et de la Justice, au dogme de l’injustice antique.