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moins méritant. L’amour est sa raison à lui-même ; il n’exige aucun mérite.

Que serait donc le mérite, si nous pouvions encore employer ce mot ? Être aimé, élu de Dieu, prédestiné au salut.

Et le démérite, la damnation !… Être haï de Dieu, condamné d’avance, créé pour la damnation.

Hélas ! nous avions cru tout à l’heure que l’humanité était sauvée. Le sacrifice d’un Dieu semblait avoir effacé les péchés du monde ; plus de jugement, plus de Justice. Aveugles ! nous nous réjouissions, croyant la Justice noyée dans le sang de Jésus-Christ… Et voilà que le jugement reparaît plus dur, un jugement sans justice, ou du moins dont la justice nous sera toujours cachée. L’élu de Dieu, ce favori, reçoit de lui avec le don de la foi, le don de faire des œuvres justes, le don du salut… Que la Justice soit un don !… Nous, nous l’avions crue active, l’acte même de la volonté. Et voilà qu’elle est passive, qu’elle se transmet, en présent, de Dieu à l’élu de son cœur.

Cette doctrine, formulée durement par les protestants, n’en est pas moins celle du monde catholique, telle que la reconnaît le Concile de Trente. Si la Grâce, dit-il avec l’apôtre, n’était pas gratuite, comme son nom même l’indique, si elle devait être méritée par des œuvres de justice, elle serait la Justice et ne serait plus la Grâce. (Conc. Trid., sess. VI, cap. viii.)

Telle a été, dit le Concile, la croyance permanente de l’Église. Et il fallait bien qu’il en fût ainsi : c’est