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Saint-Antoine : « Nous étions tous au 10 Août, et pas un au 2 Septembre. »

Une autre chose que cette histoire mettra en grande lumière, et qui est vraie de tout parti, c’est que le peuple valut généralement beaucoup mieux que ses meneurs. Plus j’ai creusé, plus j’ai trouvé que le meilleur était dessous, dans les profondeurs obscures. J’ai vu aussi que ces parleurs brillants, puissants, qui ont exprimé la pensée des masses, passent à tort pour les seuls acteurs. Ils ont reçu l’impulsion bien plus qu’ils ne l’ont donnée. L’acteur principal est le peuple. Pour le retrouver, celui-ci, le replacer dans son rôle, j’ai dû ramener à leurs proportions les ambitieuses marionnettes dont il a tiré les fils, et dans lesquelles, jusqu’ici, on croyait voir, on cherchait le jeu secret de l’histoire.

Ce spectacle, je dois l’avouer, m’a frappé moi-même d’étonnement. À mesure que je suis entré profondément dans cette étude, j’ai vu que les chefs de parti, les héros de l’histoire convenue, n’ont ni prévu ni préparé, qu’ils n’ont eu l’initiative d’aucune des grandes choses, d’aucune spécialement de celles qui furent l’œuvre unanime du peuple au début de la Révolution. Laissé à lui-même, dans ces moments décisifs, par ses prétendus meneurs, il a trouvé ce qu’il fallait faire et l’a accompli.

Grandes et surprenantes choses ! Mais le cœur qui les fît fut bien plus grand !… Les actes ne sont rien auprès. Cette richesse de cœur fut telle alors que l’avenir, sans crainte de trouver le fond, peut y puiser