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Cent députés entourent le roi, toute une armée, tout un peuple. Il s’éloigne du palais de Louis XIV, pour n’y jamais revenir.

Toute cette foule s’ébranle, elle s’en va à Paris, devant le roi et derrière. Hommes, femmes, vont, comme ils peuvent, à pied, à cheval, en fiacre, sur les charrettes qu’on trouve, sur les affûts des canons. On rencontra avec plaisir un grand convoi de farines, bonne chose pour la Ville affamée. Les femmes portaient aux piques de grosses miches de pain, d’autres des branches de peuplier, déjà jaunies par octobre. Elles étaient fort joyeuses, aimables à leur façon, sauf quelques quolibets à l’adresse de la reine. « Nous amenons, criaient-elles, le boulanger, la boulangère, le petit mitron. » Toutes pensaient qu’on ne pouvait jamais mourir de faim, ayant le roi avec soi. Toutes étaient encore royalistes, en grande joie de mettre enfin ce bon papa en bonnes mains ; il n’avait pas beaucoup de tête, il avait manqué de parole ; c’était la faute de sa femme ; mais, une fois à Paris, les bonnes femmes ne manqueraient pas, qui le conseilleraient mieux.

Tout cela, gai, triste, violent, joyeux et sombre à la fois. On espérait, mais le ciel n’était pas de la partie. Il avait plu. On marchait lentement, en pleine boue. De moment en moment plusieurs, en réjouissance ou pour décharger leurs armes, tiraient des coups de fusil.

La voiture royale, escortée, La Fayette à la portière, avançait comme un cercueil. La reine était inquiète.