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lui-même sa porte, par un mouvement d’humanité courageuse, et dit à ceux qu’il trouva : « Ne faites pas de mal à mes gardes. »

Le danger était passé, la foule écoulée. Les voleurs seuls ne lâchaient pas prise. Tout entiers à leur affaire, ils pillaient et déménageaient. Les grenadiers jetèrent cette canaille à la porte.

Une scène d’horreur se passait dans la cour. Un homme à longue barbe travaillait avec une hache à couper la tête de deux cadavres, les gardes tués à l’escalier. Ce misérable, que quelques-uns prirent pour un fameux brigand du Midi, était tout simplement un modèle de l’Académie de peinture ; pour ce jour, il avait mis un costume pittoresque d’esclave antique, qui étonna tout le monde et ajouta à la peur[1].

La Fayette, trop tard éveillé, arrivait alors à cheval. Il voit un garde du corps qu’on avait pris, qu’on avait mené près du corps d’un de ceux que les

  1. Nicolas, c’était son nom, n’avait jamais donné de signe de violence ni de mauvaise nature, au dire de son logeur. Les enfants tiraient la barbe à cet homme terrible. C’était, au fond, un homme vain, un peu fol, qui crut faire une chose forte, énergique, originale, et peut-être reproduire les scènes sanglantes qu’il avait vues en peinture ou au théâtre. Quand il eut fait cet acte horrible et que tout le monde s’écarta, il eut le sentiment soudain de cette solitude nouvelle, et, sous divers prétextes, chercha à se rapprocher des hommes, demandant à un domestique une prise de tabac, à un suisse du château du vin qu’il paya, se vantant, s’encourageant, tâchant de se rassurer. (Voir les dépositions au Moniteur.) — Les têtes furent portés à Paris sur des piques ; l’une l’était pas un enfant. Selon quelques témoignages, elles partirent le matin même ; selon d’autres, peu avant le roi, et par conséquent en présence de La Fayette, ce qui est peu vraisemblable. Les gardes du corps avaient tué cinq hommes du peuple ou gardes nationaux de Versailles, ceux-ci sept gardes du corps.