Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 1.djvu/444

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À trois heures, l’Assemblée avait levé la séance. Le peuple s’était dispersé, couché, comme il avait pu, dans les églises et ailleurs. Maillard et beaucoup de femmes, entre autres Louison Chabry, étaient partis pour Paris, peu après l’arrivée de La Fayette, emportant les décrets sur les grains et la Déclaration des droits.

La Fayette eut beaucoup de peine à loger ses gardes nationaux ; mouillés, recrus, ils cherchaient à se sécher, à manger. Lui-même enfin, croyant tout tranquille, alla à l’hôtel de Noailles, dormit, comme on dort après vingt heures d’efforts et d’agitations.

Beaucoup de gens ne dormaient pas. C’étaient surtout ceux qui, partis le soir de Paris, n’avaient pas eu la fatigue du jour précédent. La première expédition, où les femmes dominaient, très spontanée, très naïve, pour parler ainsi, déterminée par les besoins, n’avait pas coûté de sang. Maillard avait eu la gloire d’y conserver quelque ordre dans le désordre même. Le crescendo naturel qu’on observe toujours dans de telles agitations ne permettait guère de croire que la seconde expédition se passât ainsi. Il est vrai qu’elle s’était faite sous les yeux de la garde nationale et comme de concert avec elle. Néanmoins il y avait là des hommes décidés à agir sans elle ; plusieurs étaient de furieux fanatiques qui auraient voulu tuer la reine[1] ; d’autres, qui se donnaient pour tels et sem-

  1. Je ne vois pas dans l’Ami du peuple qu’on puisse renvoyer à Marat l’initiative des violences sanguinaires. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agita beaucoup : « M. Marat vole à Versailles, revient comme l’éclair, fait lui seul autant