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mençait à le rôtir sur la place d’Armes ; mais la foule avait trop faim, il fut mangé presque cru.

La pluie tombait. La foule s’abritait où elle pouvait ; les uns enfoncèrent la grille des grandes écuries, où était le régiment de Flandre, et s’y mirent pêle-mêle avec les soldats. D’autres, environ quatre mille, étaient restés dans l’Assemblée. Les hommes étaient assez tranquilles, mais les femmes supportaient impatiemment cet état d’inaction ; elles parlaient, criaient, remuaient. Maillard seul pouvait les faire taire, et il n’en venait à bout qu’en haranguant l’Assemblée.

Ce qui n’aidait pas à calmer la foule, c’est que des gardes du corps vinrent trouver les dragons qui étaient aux portes de l’Assemblée, demander s’ils voudraient les aider à prendre les pièces qui menaçaient le château. On allait se jeter sur eux, les dragons les firent échapper.

À huit heures, autre tentative. On apporta une lettre du roi, où, sans parler de la Déclaration des droits, il promettait vaguement la libre circulation des grains. Il est probable qu’à ce moment l’idée de fuite dominait au château. Sans rien répondre à Mounier, qui restait toujours à la porte du conseil, on envoyait cette lettre pour occuper la foule qui attendait.

Une apparition singulière avait ajouté à l’effroi de la cour. Un jeune homme du peuple entre, mal mis, tout défait[1]… On s’étonne… C’était le jeune duc

  1. Staël, Considérations, 2e partie, chap. xi.