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balance immobile, Mounier, celui qui exprime le mieux toutes les difficultés d’agir et la paralysie commune.

La cour peut-elle quelque chose ? Elle le croit en ce moment. Elle voit le Clergé et la Noblesse qui se rallient autour d’elle. Elle voit le duc d’Orléans peu soutenu dans l’Assemblée[1] ; elle le voit, à Paris, dépensant beaucoup d’argent et gagnant peu de terrain ; sa popularité est primée par La Fayette.

Tous ignorent la situation, tous méconnaissent la force générale des choses et rapportent les événements à telle ou telle personne, s’exagérant ridiculement la puissance individuelle. Selon ses haines ou ses amours, la passion croit des miracles, croit des monstres, croit des héros. La cour accuse de tout Orléans ou La Fayette. La Fayette lui-même, ferme et froid de sa nature, devient imaginatif ; il n’est pas loin de croire aussi que tout le désordre est l’œuvre du Palais-Royal. Un visionnaire s’élève dans la presse, Marat, crédule, aveugle furieux, qui va promener l’accusation au hasard de ses rêves, désignant l’un aujourd’hui et demain l’autre à la mort ; il commence par affirmer que toute la famine est l’œuvre d’un homme, que Necker achète partout les blés pour que Paris n’en ait pas.

Marat commence toutefois, il agit peu encore ; il tranche avec toute la presse. La presse accuse, mais

  1. En réglant la succession, l’Assemblée a ménagé son rival le roi d’Espagne, déclarant ne rien préjuger sur les renonciations des Bourbons d’Espagne à la couronne de France.