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l’imprévu, l’inconnu, agiront pour lui. L’Assemblée, non moins impuissante que le ministre, partagea sa crédulité. Un merveilleux discours de Mirabeau vainquit tous ses doutes, l’emporta hors d’elle-même. Il lui montra la banqueroute, la hideuse banqueroute, ouvrant son gouffre sous elle, prête à l’engloutir, et elle, et la France… Elle vota… Si la mesure eût été sérieuse, si l’argent était venu, l’effet eût été bizarre : Necker eût réussi à relever ceux qui devaient chasser Necker, l’Assemblée eût soldé la guerre pour dissoudre l’Assemblée.

L’impossible, le contradictoire, l’impasse en tous sens, c’est le fond de la situation, pour tout homme et pour tout parti. Disons tout d’un mot : Nul ne peut.

L’Assemblée ne peut. Discordante d’éléments et de principes, elle était de soi incapable ; mais elle le devient bien plus en présence de l’émeute, au bruit tout nouveau de la presse qui couvre sa voix. Elle se serrerait volontiers contre le pouvoir royal qu’elle a démoli ; mais les ruines en sont hostiles, elles ne demandent qu’à écraser l’Assemblée. Ainsi Paris lui fait peur, et le château lui fait peur. Après le refus du roi, elle n’ose point s’indigner, de peur d’ajouter à l’indignation de Paris. Sauf la responsabilité des ministres qu’elle décrète, elle ne fait rien qui soit en rapport avec la situation ; la division départementale, le droit criminel, s’agitent dans le désert ; la salle prend de l’écho ; à peine six cents membres viennent, et c’est pour donner la présidence à l’homme de la