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des plus féconds écrivains de l’époque, l’infatigable Brissot, et le brillant, l’éloquent, le hardi Camille. Son livre La France libre contient une petite histoire, violemment satirique de la monarchie. Il y montre que ce principe d’ordre et de stabilité a été, en pratique, un perpétuel désordre. La royauté héréditaire, pour se racheter de tant d’inconvénients qui lui sont visiblement inhérents, a un mot qui répond à tout : la paix, le maintien de la paix ; ce qui n’empêche pas que, par les minorités, les querelles de successions, elle n’ait tenu la France dans une guerre à peu près perpétuelle : guerres des Anglais, guerres d’Italie, guerres de la succession d’Espagne, etc.[1].

Robespierre a dit que la république s’était glissée, sans qu’on s’en doutât, entre les partis. Il est plus exact de dire que la royauté elle-même l’a introduite, y a poussé les esprits. Si les hommes renoncent à se gouverner eux-mêmes, c’est que la royauté se présente comme une simplification qui facilite, aplanit, dispense de vertu et d’effort. Mais quoi ! si elle est l’obstacle ?… On peut affirmer hardiment que la royauté enseigna la république, qu’elle y entraîna la France, qui en était éloignée, s’en défiait ou n’y pensait pas.

Pour revenir, le premier des journalistes de l’époque

  1. Sismondi a montré par un calcul exact, sur une période de cinq cents ans, combien les guerres avaient été plus fréquentes et plus longues dans les monarchies héréditaires que dans les monarchies électives ; c’est l’effet naturel des minorités, querelles de successions, etc. (Sismondi, Études sur les constitutions des peuples libres, I, 214-221.)