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entre elles, si les principes et les doctrines ont en lui leur guerre acharnée.

Je ne sache pas un spectacle plus triste pour la nature humaine que celui qu’offre ici Mirabeau. Il parle à Versailles pour le veto absolu, mais en termes si obscurs qu’on ne sait pas bien d’abord si c’est pour ou contre. Le même jour, à Paris, ses amis soutiennent, au Palais-Royal, qu’il a combattu le veto. Il inspirait tant d’attachement personnel aux jeunes gens qui l’entouraient qu’ils n’hésitèrent pas à mentir hardiment pour le sauver. « Je l’aimais comme une maîtresse », dit Camille Desmoulins. On sait qu’un des secrétaires de Mirabeau voulut se tuer à sa mort.

Les menteurs, exagérant, comme il arrive, le mensonge pour mieux se faire croire, affirmèrent qu’à la sortie de l’Assemblée il avait été attendu, suivi, blessé, qu’il avait reçu un coup d’épée… Tout le Palais-Royal s’écrie qu’il faut voter une garde de deux cents hommes pour ce pauvre Mirabeau.

Dans cet étrange discours[1], il avait soutenu le vieux sophisme que la sanction royale était une garantie de la liberté, que le roi était une sorte de tribun du peuple, son représentant. — Un représentant irrévocable, irresponsable, et qui ne rend jamais compte.

Il était sincèrement royaliste et, comme tel, ne se fit pas scrupule de recevoir plus tard une pension

  1. Il l’avait reçu tout fait d’un rêveur nommé Caseaux. Il ne l’avait pas même lu. Le lisant à la tribune, il le trouva si mauvais qu’il lui en vint une sueur froide ; il en passa la moitié. (Ét. Dumont, Souvenirs, p. 155.)