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trois cent mille nobles ou prêtres autant que la nation. En les réunissant à soi, le Tiers s’était affaibli et énervé. À chaque instant, sans même le bien sentir, il composait avec eux. Il ne prenait guère de mesures qui ne fussent des moyens termes, bâtards, impuissants, dangereux. Les privilégiés qui travaillaient au dehors avec la cour pour défaire la Révolution, l’entravaient plus sûrement encore au sein de l’Assemblée même.

Cette Assemblée, toute pleine qu’elle était de talents, de lumières, n’en était pas moins monstrueuse par l’incurable désaccord de ses éléments. Quelle fécondité, quelle génération peut-on espérer d’un monstre ?

Voilà ce que disait le bon sens, la froide raison. Les modérés, qui sembleraient devoir conserver une vue plus nette, moins trouble, ne virent rien ici. La passion vit mieux, chose étrange ; elle sentit que tout était danger, obstacles dans cette situation double, et elle s’efforça d’en sortir. Mais, comme passion et violence, elle inspirait une défiance infinie, rencontrait des obstacles immenses ; elle redoublait de violences pour les surmonter, et ce redoublement créait de nouveaux obstacles.

Le monstre du temps, je veux dire la discorde des deux principes, leur impuissance à créer rien de vital, il faut, pour le bien sentir, le voir en un homme. L’unité de la personne, la haute unité de facultés qu’on appelle le génie, ne servent de rien, si, dans cet homme et ce génie, les idées se battent