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L’ancre de salut qui restait aux privilégiés, c’était le veto royal. Ils serraient le roi, embrassaient le roi dans leur naufrage, voulant qu’il suivît leur sort, qu’il fut sauvé ou bien noyé avec eux.

L’Assemblée discuta la question, comme s’il s’était agi d’un pur combat de systèmes. Paris y sentait moins une question qu’une crise, la grande crise et la cause totale de la Révolution, qu’il fallait sauver ou perdre : être ou n’être pas, rien de moins.

Et Paris seul avait raison. Les révélations de l’histoire, les aveux du parti de la cour nous autorisent maintenant à le prononcer. Le 14 juillet n’avait rien changé ; le vrai ministre était Breteuil, le confident de la reine. Necker n’était là que pour la montre. La reine regardait toujours vers la fuite, vers la guerre civile ; son cœur était à Metz, au camp de Bouillé. L’épée de Bouillé, c’était le seul veto qui lui plût.

On eût pu croire que l’Assemblée ne s’était point aperçue qu’il y eût une révolution. La plupart des discours auraient servi aussi bien pour un autre siècle, un autre peuple. Un seul restera, celui de Sieyès, qui repoussa le veto. Il établit parfaitement que le vrai remède aux empiétements réciproques des pouvoirs n’était pas de constituer ainsi arbitre et juge le pouvoir exécutif, mais de faire appel au pouvoir constituant qui est dans le peuple. Une assemblée peut se tromper ; mais combien le dépositaire inamovible d’un pouvoir héréditaire n’a-t-il pas plus de chances de se tromper, sans le savoir ou sciem-