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révocable pour cause d’ingratitude, pour l’oubli, la négligence du but que l’on eut en donnant ; ce but était la culture du peuple, depuis si longtemps délaissée par le Clergé.

Sieyès faisait valoir adroitement qu’en tout cas, la dîme ne pouvait profiter aux possesseurs actuels, lesquels avaient acheté avec connaissance, prévision et déduction de la dîme. Ce serait, disait-il, leur faire un cadeau de soixante-dix millions de rente. La dîme en valait plus de cent trente. La donner aux propriétaires, c’était une mesure éminemment politique, engager pour toujours le plus ferme élément du peuple, le cultivateur, dans la cause de la Révolution.

Cet impôt lourd, odieux, variable selon les pays, qui montait souvent jusqu’au tiers de la récolte ! qui mettait en guerre le prêtre et le laboureur, qui obligeait le premier, pour le temps de la moisson, à une inquisition misérable, n’en fut pas moins défendu par le Clergé pendant trois jours entiers, avec une violence opiniâtre. « Eh quoi ! s’écriait un curé, quand vous nous avez invités à venir nous joindre à vous, au nom du Dieu de paix, c’était pour nous égorger !… » La dîme était donc leur vie même, ce qu’ils avaient de plus cher… Au troisième jour, voyant tout le monde tourner contre eux, ils s’exécutèrent. Quinze ou vingt curés renoncèrent, se remettant à la générosité de la nation. Les grands prélats, l’archevêque de Paris, le cardinal de La Rochefoucauld, suivirent cet exemple, renoncèrent, au nom du Clergé. La dîme fut abolie sans rachat