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crise, dans un combat douteux encore. On ne pouvait trouver une trop haute montagne pour y planter le drapeau… Il fallait, s’il était possible, le placer si haut, ce drapeau, que la terre entière le vît, que sa flamme tricolore ralliât les nations. Reconnu pour le drapeau commun de l’humanité, il devenait invincible.

Il y a encore des gens qui pensent que cette grande discussion agita, arma le peuple, qu’elle lui mit la torche à la main, qu’elle fit la guerre et l’incendie. La première difficulté à cela, c’est que les violences commencèrent avant la discussion. Les paysans n’eurent pas besoin de cette métaphysique pour se mettre en mouvement. Même après, elle influa peu. Ce qui arma les campagnes, ce fut, nous l’avons dit, la nécessité de repousser le pillage, ce fut la contagion des villes qui prenaient les armes, ce fut plus que toutes choses l’ivresse et l’exaltation de la prise de la Bastille.

La grandeur de ce spectacle, la variété de ses accidents terribles, a troublé la vue de l’histoire. Elle a mêlé et confondu trois faits distincts et même opposés qui se passaient en même temps :

1o Les courses des vagabonds, des affamés, qui coupaient les blés la nuit, rasaient la terre, comme les sauterelles. Ces bandes, quand elles étaient fortes, forçaient les maisons isolées, les fermes, les châteaux même.

2o Le paysan, pour repousser ces bandes, eut besoin d’armes, les demanda, les exigea des châ-