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voisinage, l’esprit troublé de fureur, entraîné peut-être aussi par cette pente à l’imitation qui fait qu’un crime célèbre engendre bien souvent des crimes, il réalisa précisément ce que De Launay avait voulu faire, ce que le peuple de Paris croyait encore avoir à craindre. Il fit savoir à Vesoul et dans les alentours qu’en réjouissance de la bonne nouvelle, il donnerait une fête et traiterait à table ouverte. Paysans, bourgeois, soldats, tous arrivent, boivent, dansent… La terre s’ouvre, une mine éclate, lance, brise, tue au hasard ; le sol est jonché de membres sanglants… Le tout, attesté par le curé, qui confessa quelques blessés qui survivaient, attesté par la gendarmerie, apporté le 25 juillet à l’Assemblée nationale… L’Assemblée indignée obtint du roi qu’on écrirait à toutes les puissances pour demander l’extradition des coupables[1].

L’opinion s’étendait, s’affermissait, que les brigands qui coupaient les blés pour faire mourir de faim le peuple n’étaient point des étrangers, comme on l’avait pensé d’abord, point Italiens, point Espagnols, comme Marseille le croyait en mai, mais des ennemis français de la France, de furieux ennemis de la Révo-

  1. Plus tard, M. de Memmay fut réhabilité sur la plaidoirie de M. Courvoisier. Il soutint que l’accident était résulté d’un baril de poudre laissé par hasard à côté des gens ivres. Trois choses avaient contribué à donner une autre opinion : 1o l’absence de M. de Memmay le jour de la fête ; il ne voulait pas y paraître, disait-il, voulant laisser un cours plus libre à la joie ; 2o sa disparition absolue ; 3o le Parlement, dont il était un ancien membre, ne permit pas aux tribunaux ordinaires d’informer, évoqua l’affaire, se réserva le jugement.