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morts pouvaient recevoir ; douze d’entre eux, armés de leurs outils, portant le poêle avec respect, les menèrent et les inhumèrent à la paroisse honorablement.

On espérait faire d’autres découvertes dans cette vieille caverne des rois. L’humanité outragée se vengeait ; on jouissait d’un sentiment mêlé de haine et de peur, de curiosité… Curiosité insatiable, qui, lorsqu’on avait tout vu, cherchait et fouillait encore, voulait pénétrer plus loin, soupçonnait quelque autre chose, sous les prisons rêvait des prisons, des cachots sous les cachots au plus profond de la terre.

Les imaginations étaient vraiment malades de cette Bastille… Tant de siècles, de générations de prisonniers qui s’étaient succédé là, ces cœurs brisés de désespoir, ces larmes de rage, ces fronts heurtés contre la pierre… Quoi ! rien n’avait laissé trace ! À peine, à peine, quelque pauvre inscription, gravée d’un clou, illisible… Cruelle envie du temps, complice de la tyrannie, qui s’est accordée avec elle pour effacer les victimes !

On ne pouvait rien voir, mais on écoutait… Il y avait certainement des bruits, des gémissements, d’étranges soupirs. Était-ce imagination ? Mais tout le monde entendait… Fallait-il croire que des malheureux fussent encore ensevelis au fond de quelque oubliette, connue du gouverneur seul qui avait péri ? Le district de l’île Saint-Louis, d’autres encore, demandaient qu’on recherchât la cause de ces voix