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s’il en tirait un petit mot, il pouvait encore lancer ses Allemands sur Paris.

Louis XVI ne dit rien, ne fit rien. Les deux hommes, dès ce moment, sentirent bien qu’ils étaient morts. Berthier s’enfuit vers le Nord, filant la nuit d’un lieu à l’autre ; il passa quatre nuits sans dormir, sans s’arrêter, et n’alla pas plus loin que Soissons. Foulon n’essaya pas de fuir ; d’abord, il fit dire partout qu’il n’avait pas voulu du ministère, puis qu’il était frappé d’une apoplexie, puis il fit le mort. Il s’enterra lui-même magnifiquement (un de ses domestiques venait fort à point de mourir). Cela fait, il alla tout doucement chez son digne ami Sartines, l’ancien lieutenant de police.

Il avait sujet d’avoir peur. Le mouvement était terrible. Remontons un peu plus haut.

Dès le mois de mai, la famine avait chassé des populations entières, les poussait l’une sur l’autre. Caen et Rouen, Orléans, Lyon, Nancy, avaient eu des combats à soutenir pour les grains. Marseille avait vu à ses portes une bande de huit mille affamés qui devaient piller ou mourir ; toute la ville, malgré le gouvernement, malgré le parlement d’Aix, avait pris les armes et restait armée.

Le mouvement se ralentit un moment en juin ; la France entière, les yeux fixés sur l’Assemblée, attendait qu’elle vainquît ; nul autre espoir de salut. Les plus extrêmes souffrances se turent un moment ; une pensée dominait tout…

Qui peut dire la rage, l’horreur de l’espoir trompé,